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Louis
Aragon
« C »
in
Aragon, Louis (1897-1982),
écrivain et poète français. D’abord
dadaïste, puis surréaliste, il vint ensuite à une écriture plus traditionnelle. Fils illégitime d'un haut fonctionnaire de la
IIIe république, élevé dans la gêne financière d'une
bourgeoisie déclassée, il fut reçu bachelier en 1915, puis entreprit des études
de médecine et fit la connaissance d'André Breton, avec qui il se lia d'amitié.
Mobilisé en 1917, il retrouva son ami après la guerre et participa, avec lui et Philippe Soupault, à la création de la revue Littérature (1919). L'année même où paraissait le premier Manifeste de Breton, Aragon exposa sa propre conception du surréalisme dans un texte théorique (Une vague de rêve, 1924), prônant le «merveilleux quotidien», issu de la rencontre de l'imaginaire avec le réel, et se révélant spécialement attentif au problème de la description littéraire. L'année 1927 peut être considérée comme une année charnière, dans la mesure où l'adhésion d'Aragon au Parti communiste marqua le premier pas en direction d'un engagement profond, qui le conduisit à rompre avec le surréalisme en 1932, mais aussi avec son engagement dans la résistance : il créa de nombreux réseau. La rencontre du poète avec Elsa Triolet, en 1928, fut à cet égard déterminante ; d'origine russe, elle l'amena à se placer au service de la révolution et contribua à l'éloigner de Breton.
Le recueil « Les yeux d'Elsa », n’a pas été censuré, il n’est pas clandestin (car il faut décrypter les allusions pour comprendre l’appel à la résistance). D’après les titres de ses poèmes on peut remarquer que ce sont des poèmes d’amour, cela signifie qu’il regarde la situation historique à travers les yeux d’Elsa, l’amour et l’espoir d’un lendemain plus heureux.
« Les yeux d’Elsa »
Ce recueil a pour thème la guerre, la poésie et l’amour ; ce sont pour Aragon des manières déguisées d’aborder l’actualité de la résistance.
Il est mobilisé, mais fait retraite avec sa division en mai - juin 1940 et franchit la Loire près Angers ( dans un village appelé Les ponts de Cé). C’est une reprise du lai (type de poème narratif, octosyllabe qui raconte une histoire) de Guigemar de Marie de France (XII siècles). Guigemar est un jeune chevalier qui est blessé pendant une chasse, il est conduit sur un bateau enchanté dans un pays ou il rencontre une « dame » ; L ‘amour le touche enfin, mais leur amour est découvert, il est chassé mais sa dame réussit à le rejoindre avec un bateau enchanté.
Idée directrice :
Ø Monter comment Aragon, de façon déguisée évoque la guerre et réaffirme son amour pour la France.
Ø Aragon évoque
la guerre et son amour pour la France par le biais de la poésie du Moyen Age
(la poésie courtoise évoque des chevaliers se battant pour des
« dame s», très supérieures à eux, qui leur imposent des épreuves et
des combats.
Plan :
Ø 9 distiques
(strophe de 2 vers).
Ø Octosyllabes
(tradition du « lai »)
Ø Rimes unique
ou suffisante, très simple.
>>>Aragon a pour volonté
d’imiter la poésie du Moyen Age.
Ø Strophe 1 / L’introduction, il introduit la scène du
pont. Titre codé, incompréhensible à la censure, représente un lieu mais
annonce aussi la rime. C’est un poème simple au niveau du vocabulaire et de la
grammaire mais en réalité il est très compliqué ; il est codé. Le 1 vers
annonce la rime, « C » est un le nom du pont(lieux), mais Aragon a
aussi choisi cette lettre car personnellement il aime la lettre C qui lui
représente un collier ouvert (dimension amoureuse et thème de la liberté. Le
pont de Cé est un élément réaliste militaire précis, la traversée du pont
de Cé ; en regardant l’eau de la Loire couler sous ce pont, il semble se
souvenir d’un poème et de l’eau traversée par Guigemar. Le pont est aussi
symboliquement ce qui permet de réunir ce qui est séparé. Il y a séparation
entre la France libre et la France occupée. Le pont signifie aussi pour Aragon
le passage du monde de l’occupation à celui de la résistance.
- Vers 2 / Représente
l’engagement initial dans la résistance ; cela signifie aussi le début de
sa rêverie sur le Moyen Age : poésie de circonstance >>>début
d’un engagement.
Ø Strophe 2 à 6 / Evocation du Moyen Age :
l’ensemble est mystérieux, allusif, d’où ressortent trois thèmes : la
guerre, l’amour et la poésie. Ce n’est qu’à la dernière strophe que l’on
comprend que c’est une image, une façon détournée d’évoquer le présent.
Ø La
guerre : « chevalier blessé » (souffrance de la
guerre), « château » (le château fort au MA est un lieu de défense,
militaire) , « duc insensé » (folie des hommes qui ont le pouvoir),
« fossés » ( protection militaire) et « cygnes » (souvent
maléfiques et inquiétants dans les poèmes du moyen-âge), « gloires
faussées » (évocation d’un échec militaire ; la recherche de la
gloire est une perspective égoïste qui va s’opposer à la relation amoureuse qui
est au contraire l’acceptation de l’autre).
>>>c’est une manière
détournée de parler de l’échec de l’armée française et de la souffrance des
soldats, et sans doute de la folie hitlérienne.
Ø Thème
amoureux : l’évocation du poème
est ici très allusive car le nom propre de Guigemar n’est pas cité, mais
quelques éléments permettent de reconstruire une histoire d’amour :
« rose » ( symbole de l’amour et de la femme, ici tombée à
terre : signe d’un amour déçu ? ) « Corsage délacé » (
amour physique, relation charnelle), danser et
« prairie »(danse associée à la joie et à la séduction ; la
prairie est un lieu ouvert, de liberté par opposition à l’enfermement du
château)), « éternelle fiancée » (thème de l’amour avec de l’espoir :
promesse d’un mariage, thème de la fidélité). Poème du M. Age (12 siècles),
Guigemar, héros glorieux et récalcitrant à l’amour qui finit par tomber
amoureux d’une femme que son mari garde quasiment prisonnière (seigneur d’un
château) ; Guigemar délaisse sa gloire militaire pour l’amour.
Ø >>> l’imprécision de l’évocation de la femme
qui reste anonyme (une rose, un corsage, une fiancée : articles indéfinis)
permettra d’associer symboliquement à cette femme médiévale l’image de la
France actuelle. Ce poème est construit sur une métaphore amoureuse qui
associe la France vaincue à une femme abandonnée.
Ø La
poésie : plusieurs termes évoquent la poésie,
« chanson » (élément médiéval : la poésie y était toujours
chantée et Aragon est très sensible à la mélodie des poèmes), « lai »
(terme technique), au début et à la fin du passage. La dimension musicale
transparaît dans ces strophes à travers des allitérations (strophe 4 :
allitération en [s] , strophe -, allitération en [l]) .
Strophe 6 / Il y a une comparaison : « j’ai bu.......du lai ». Aragon joue sur l’homonymie des mots lait et lai. La poésie est associée à quelque chose de vital ( le lait est un aliment nourricier) car elle est associée à une boisson. La poésie est implicitement associée à la mère, qui fait grandir, protège, rassure. Il valorise la poésie qui à un rôle important dans la vie, cela lui permet d’évoquer l’ambition qu’il a en écrivant des poèmes ou la protection de la liberté et de la vie sont le fond : sa poésie nourrira aussi les lecteurs et leur permettra de vivre malgré les difficultés.
Ø >>>en
valorisant ainsi la place de la poésie, Aragon nous oblige à prêter attention à
ce petit passage médiéval et à chercher à l’interpréter. Aragon nous montre le
rôle de la poésie qui est de rappeler les valeurs communes, ici, celle de la
courtoisie du Moyen Age.
Ø Strophe 7 à 8
/ Retour à la réalité ( le pont et l’eau) et au présent (présence du présent et
de mot de vocabulaire concret et contemporain comme « voiture, armes... »)
ainsi qu’évocation de l’amour pour la France.
- Vers 14 /
versées = renversées >>> concrètement, il parle de la fuite é^perdue
sur les routes, de la retraite précipitée, symboliquement c’est le thème du
monde à l’envers.
- Vers 15 / La
France a dû déposer les armes ; le vocabulaire évoque l’échec.
- Vers 16 / Les larmes mal effacées montre la souffrance
des français mais évoque aussi le fait que beaucoup de gens n’osent pas
l’exprimer et veulent effacer les larmes. En répétant des termes très
proches phonétiquement (armes et larmes), il associe la guerre et la
souffrance.
Strophe 9 / Jusque là la femme n’était
pas nommée, ici il s’adresse à la France en la personnifiant (utilisation de
l’adjectif possessif et du terme « délaissée » qui évoque une
trahison amoureuse) : Personnification qui marque l’amour et l’intimité d’une
France trahie et abandonnée par ceux qui l’aimaient et ceux qui la
protégeaient. Passage très lyrique avec l’interjection ô répétée deux fois.
Le dernier vers reprend le
premier : structure circulaire. Ce vers devient le symbole d’une
expérience très importante pour le poète (douleur de l’échec militaire et prise
de conscience qu’il ne peut abandonner la France)
Ø C’est un poème qui mêle une grande simplicité et
une réelle complexité en raison des allusions culturelles et poétiques.
Ø La tonalité générale est mélancolique, une impression
renforcée par la monotonie de la rime, mais certains termes laissent
entrevoir des espoirs et en particulier la strophe centrale qui montre un
avenir possible. Pour certains le 19 juin est la fin du combat, mais pour
Aragon c’est le début.